Les gelures, que se passe-t-il vraiment ?

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Rodrigue Pignel
Docteur
Rodrigue Pignel
Médecin-chef de clinique
Marie-Anne Magnan
Docteure
Marie-Anne Magnan
Médecin associée

On peut distinguer 3 phases lors de l’installation d’une gelure :

 

La phase primaire de refroidissement

Cette phase se caractérise par :

  • Une interruption de la circulation sanguine au niveau des extrémités par fermeture des vaisseaux

C’est ce que l’on appelle en médecine l’ischémie aigue par vasoconstriction induite par le froid.

Sous l’effet du froid, afin de protéger les organes vitaux et diminuer l’afflux de sang froid vers le tronc dont la température doit être maintenue à 37 °C, il y a une fermeture des sphincters précapillaires. En même temps, il se produit une ouverture des shunts artério-veineux. Cela court-circuite l’oxygénation des tissus périphériques. Ainsi le sang oxygéné ne va plus au niveau des extrémités (d’abord phalanges distales puis proximales pouvant remonter sur les mains/pieds).

Les cellules souffrent alors d’un manque d’oxygène et meurent.

       Sphincters précapillaires ouverts                  Sphincters précapillaires fermés

 

 

  • Le gel du sang et des cellules

Les tissus périphériques ne sont plus irrigués en sang chaud. Celui-ci stagne et gèle dès que la température passe en dessous de 0°C, il en est de même des liquides à l’extérieur des cellules.
Quant aux cellules, elles vont geler dans un deuxième temps. En effet, leur membrane les protègent et elles ne gèlent que lorsque la température à l’intérieur atteint -15°C.
Cependant, les nombreux petits cristaux de glace qui se forment à côté des cellules abiment leur paroi. Lors du gel et/ou dégel des cellules, la paroi étant fragilisés, elles éclatent et meurent
C’est pour cette raison que les traitements utilisés sont :

  • Réchauffement rapide pour faire fondre d’emblée les cristaux de glace
  • Des vasodilatateurs avec pour objectifs, de rouvrir les vaisseaux capillaires périphériques
  • Le signe clinique majeur est une perte de sensibilité avec un absence de douleur, ce qui peut retarder la prise en charge. Ainsi, il faut se méfier des gelures lorsqu’une personne qui se plaignait du froid, alors qu’elle est toujours exposée, ne se plaint plus et dit ne plus avoir mal. Les tissus atteints prennent alors un aspect pale et froid et sont insensibles.

 

 

 

La phase secondaire de réchauffement avec nécrose progressive

Cette phase est riche en signe clinique.
Le réchauffement des extrémités a permis la fonte des cristaux de glace ainsi que la réouverture des vaisseaux qui s’étaient fermés.
Il se produit un phénomène de retour sanguin et les doigts/orteils prennent une coloration grise/bleue/violacée.
C’est à ce moment là uniquement que l’on est capable d’effectuer correctement une classification de la gelure et d’évaluer son degré de gravité.
En aucun cas, on ne peut déterminer le caractère d’urgence d’une gelure avant d’avoir réchauffé.
La lésion initiale persiste 12 à 24h.

 

Ensuite, 24 à 48h après le début du réchauffement apparaissent des ampoules. Parfois elles sont volumineuses et remplies de sang.

 

C’est ce que l’on appelle la nécrose secondaire progressive. Cette phase aggrave les lésions initiales : la paroi des vaisseaux étant abimée, notre organisme tente de colmater les lésions. Dans le cas de gelure graves, les mécanismes mis en place pour colmater les lésions sont tellement actif qu’ils engendrent des bouchons dans les vaisseaux sanguins. C’est le phénomène de nécrose secondaire progressive : les vaisseaux qui s’étaient ré ouverts sont à nouveau bouchés.

La lutte contre l’apparition de la nécrose secondaire est l’un des objectifs principaux des nouveaux protocoles thérapeutiques.

 

 

La phase tardive de lésions établies

C’est une phase de cicatrisation, lente et progressive. Elle débute 48 à 72 heures après le début du réchauffement et peut prendre plusieurs semaines.
C’est à ce stade que l’on a la lésion définitive et irréversible : il y a une réorganisation et une cicatrisation des tissus revascularisés et une gangrène sèche des tissus dévitalisés.

 

On considère que ce qui conditionne le pronostic d’une amputation est l’atteinte osseuse ; sa tolérance à l’hypoxie (manque d’oxygène) pourrait s’élever à 72h, c’est pourquoi, tout traitement débuté tardivement est souvent décevant.
Même si un traitement a été entrepris précocement, il peut persister des séquelles objectives et/ou ressenties par le patient. Ces troubles sont beaucoup plus difficiles à évaluer car ils nécessitent, pour être étudiés, un suivi régulier à court et long terme.

Toutefois, les patients victimes de gelures se plaignent souvent dans les mois voire années qui suivent de douleur au froid, d’hypersensibilité ou à l’inverse d’absence de sensibilité.
Les patients atteints de gelures graves, lorsqu’ils ont pu éviter l’amputation souffrent souvent d’arthrose précoce (délai de survenue 6 mois à 1 an) après les gelures. Cet arthrose peut parfois être très invalidante, à l’origine d’une déformation précoce des articulations interphalangiennes.

 

 

Dernière mise à jour : 28/07/2020