« Je ne savais pas que j’étais bipolaire »

Simone (prénom fictif), 56 ans, a alterné les phases d’euphorie et de dépression. Jusqu’en 2008 où elle découvre qu’elle souffre d’une maladie psychique.

Témoignage - maladie psychique« J’étais serveuse dans un bar. Le monde de la nuit, c’était idéal pour une insomniaque comme moi. Et j’avais tout : la fête, l’alcool, les relations sociales. Je côtoyais des sacrés
numéros… je vous jure. Qu’est ce qu’on rigolait ! La journée, pour dormir, je m’assommais avec des somnifères. Bien sûr, entre deux périodes d’euphorie, il y avait les déprimes. Le
fond du trou. J’étais incapable de quitter mon lit, comme si un énorme poulpe me retenait avec ses tentacules », témoigne Simone.

Diagnostiquée bipolaire par le service des spécialités psychiatriques en 2008, elle aura vécu presque toute sa vie sans connaître la nature exacte de sa pathologie. Son médecin traitant avait jugé, lui, qu’elle était dépressive. « Du coup, les médicaments qu’il lui prescrivait, efficaces en phase basse (les dépressions), amplifiaient les périodes hautes (les états euphoriques) », analyse Marie-Joëlle Stauffer-Corminboeuf, infirmière au programme bipolaire et dépression.

« Depuis toute petite, je vivais avec des insomnies, des sautes d’humeur. Hyper affectueuse un moment, je ‹pétais un plomb› l’instant d’après, pour une broutille. A 19 ans, à la mort de ma mère, j’ai fait une grosse dépression. C’est là, je crois, que ma maladie a vraiment commencé. Je travaillais en usine, et vivais avec mon beau-père en France voisine. Un type affreux. Cela n’a pas duré. Je suis venue à Genève où j’ai trouvé du travail dans un bar », raconte Simone.

Exubérances
Le job lui convient. Tellement, qu’elle ne quitte plus la nuit pendant 30 ans. Elle peut boire – 70% des patients bipolaires sont dépendants à l’alcool – et ses exubérances sont appréciées de la clientèle. « Mes phases hautes duraient des mois. Faux cils ultra-longs, talons aiguilles vertigineux, décolleté jusqu’au nombril, et des bijoux en or, du brillant, du clinquant… la totale ! Cela pouvait aussi dégénérer en bagarres. Une fois, j’ai fracassé la vitre d’un bistrot en y balançant une chaise. Et j’avais des amendes tout le temps, pour des milliers de francs. »

Avec l’âge, la santé mentale de Simone se détériore. Ses phases hautes sont gangrénées par des angoisses et des paranoïas. « Les avions et les motos me fichaient une peur panique », se souvient-elle. Un jour, une de ses amies, elle-même bipolaire, lui fait remarquer qu’elles sont pareilles toutes les deux. Elle décide alors de consulter un spécialiste des HUG. Deux jours plus tard, le diagnostic est posé : Simone est bipolaire. C’était en 2008, elle avait 51 ans.
Immédiatement, son traitement médical est ajusté. Elle suit un enseignement thérapeutique pour apprendre à détecter les signes avant-coureurs des phases hautes ou basses. Des séances de remédiation cognitive l’aident à recouvrer
concentration et mémoire. La même année, elle fait deux séjours à l’Hôpital de psychiatrie : une première fois alors qu’elle est en période basse. La seconde, en phase haute. « Correctement diagnostiquée dans son jeune âge, elle aurait eu une vie très différente », commente Marie-Joëlle.

Aujourd’hui, Simone ne travaille plus et vit dans un foyer. Ses espoirs ? « Je ne sais pas. Etre normale ? J’avance. Marie- Joëlle m’aide énormément. Je la vois encore une fois par semaine. Mon humeur s’est stabilisée, mais ma vie est un peu terne maintenant. Je suis seule. Ce que j’aimerais, c’est trouver un compagnon. On pourrait sortir ensemble, se faire un petit resto ou un cinéma… »

Dernière mise à jour : 16/07/2021