Historique par Claude Reverdin, pasteur

Adresse

Rue Gabrielle-Perret-Gentil 4
1211 Genève 14
Suisse

Bruno Lab
Monsieur
Bruno Lab

Du bas Moyen-Âge à la Réforme

Dès le XIIe siècle, des établissements spécialisés dans l'accueil des lépreux sont mentionnés dans la région genevoise (les maladières) à Carouge et à Chêne. Au XVe siècle, des lazarets sont édifiés pour recevoir les pestiférés hors des fortifications (sept en 1482). En ville, trois hôpitaux existaient, cités dans les archives : en 1228 au Pont-du-Rhône, en 1289 au Bourg-de-Four et à Saint-Léger (la chapelle des « Pèlerins », souvenir de cet hôpital, est encore en usage aujourd'hui). Biens ecclésiastiques, ces refuges pour démunis et malades étaient administrés par l'Évêché qui en assurait les secours religieux.

Au XVIe siècle : passage sous l'autorité civile

À la Réforme, la gestion hospitalière passe sous l'autorité civile. Le 14 novembre 1535, à l'orée de la Réforme, le Conseil général de la Cité adopte la conception nouvelle d'un hôpital général, regroupant les divers bâtiments hospitaliers. 

Seuls, les hospices pour les pestiférés ont été maintenus hors des murailles de la ville (le principal hôpital pour les pestiférés, construit en 1482 n'a été détruit qu'en 1777, bien après la dernière peste).

Place de l'aumônier dans l'institution hospitalière du XVIe siècle

Les règlements de l'hôpital général, situé dans l'ancien couvent des Clarisses, au Bourg-de-Four (l'actuel Palais de Justice), évoquent la responsabilité du pasteur qui en assurera l'aumônerie (règlements de 1552). Il devra instruire les « pauvres de Dieu » dans le respect du Créateur, et veiller au bon ordre de la maison, pour « que tout soit à la gloire de Dieu et édification de son Église ».

La charge du ministre de l'hôpital dépend uniquement de la Compagnie des pasteurs, qui juge de ses compétences, présente le candidat au Conseil de la Ville, devant lequel il prête serment.

Il loge à l'hôpital, qui le rémunère (alors que les pasteurs sont payés par la trésorerie de la Seigneurie). Une zone de l'hôpital accueille les enfants orphelins ou abandonnés dont l'aumônier est le précepteur.

Il est intéressant de noter qu'au cours de la peste qui sévissait à Genève en 1542, Calvin craignait que le pasteur Blanchet qui s'occupait des pestiférés ne tombe malade.

Il écrit au réformateur Pierre Viret : « s'il lui arrivait malheur, je crains bien qu'après lui ce ne soit à moi de m'exposer au danger...» Homme d'Église et théologien, Calvin qui s'occupait beaucoup de l'hôpital était aussi pleinement pasteur.

À Genève, les diacres jouaient un rôle important. Dans l' « Institution Chrétienne », Calvin met leur charge sur un pied analogue aux ministères doctoraux et pastoraux. Mais leur rôle spécifique était l'accueil des vieillards, des orphelins et des malades à domicile, complétant ainsi le travail du pasteur hospitalier.

XVIIe et XVIIIe siècles

Au XVIIe siècle, en raison du manque de pasteurs, le ministre de l'hôpital est appelé à servir temporairement la paroisse de Russin, puis à prêcher dans certaines paroisses de campagne (dès 1680, cette charge sera confiée à un catéchiste laïc, pour permettre au pasteur de l'hôpital de consacrer tout son temps aux patients et aux sans-abris).

Mal rétribué, un ministère hospitalier était en général assuré par de jeunes pasteurs qui le quittaient après quelques années. Au long des XVIIe et XVIIIe siècles, nous avons des renseignements sur l'évolution de l'hôpital dans les Archives hospitalières. Nous savons les difficultés que la maison du Bourg-de-Four a vécues lors de l'afflux considérable de réfugiés qui a suivi la Révocation de l'Édit de Nantes (1685).

Nous découvrons les problèmes de gestion, d'entretien et d'agrandissement de l'hôpital. Mais nous n'avons que peu de renseignements sur le travail de l'aumônerie. Était-elle peut-être sans histoire ?

Quelques précisions au long du XIXe siècle

Au XIXe siècle par contre, alors qu'en quinze ans le nombre des malades doublait parfois, les rapports des aumôniers ont été conservés dans les Archives :

  • en 1829, 21'984 journées de malades 
  • en 1844, 44'066 journées de malades 

Il est surprenant de découvrir que même après l'entrée de Genève dans la Confédération suisse et - décision du Congrès de Vienne (1814) - l'adjonction, au territoire du Canton, des Communes réunies catholiques, seuls les patients protestants et genevois étaient admis à l'hôpital.

Ce n'est que par la loi du 22 janvier 1845 que « le Conseil d'État est chargé de passer avec la direction de l'hôpital de Genève, une Convention pour faire recevoir et soigner, dans le dit hôpital des malades, les blessés et les enfants exposés... »

Le titre 1 nous dit ceci : « La direction de l'hôpital s'engage à recevoir dans les salles de l'hôpital tous les malades que l'Administration cantonale y enverra, quelque soit le lieu de leur origine, leur culte, leur sexe ou la nature de leur maladie. »

Les patients catholiques étaient suivis individuellement par un prêtre qui n'était pas officialisé. Du côté protestant, voici quelques flash qui permettent de se faire une idée du travail des aumôniers.

1837 - 1856 : Des échos du ministère hospitalier

1. Un rapport du chapelain daté du 4 février 1837 dit ceci : « Ce rapport aurait pu annoncer quelques nouveaux progrès dans l'état moral de ceux qui sont confiés à notre surveillance pastorale. Malheureusement, il n'en est guère ainsi. »

« Alors que l'intérieur de notre grande maison a présenté moins d'ordre, d'harmonie, de soumission à la règle que dans les deux années précédentes ; moins de ces révoltes féminines, ou de ces graves désordres qui appellent les grands coups d'autorité !..., il semble que l'année 1837 ait été bien perturbée, et l'aumônier transformé en pion (surveillance ! soumission !). » 

2. Ce rapport a heureusement des côtés positifs. Le pasteur est attentif au travail des soignants. Il recommande « à celles qui soignent les femmes malades plus de douceur, de politesse, moins de préférences pour les unes au dépend des autres ». Il demande aussi plus de progrès dans la catéchèse des enfants trouvés et assistés.

Dans la maison des aliénés de Corsier, les cultes sont suivis avec attention et plaisir. Le chapelain de cet hospice doit être bien préparé à son ministère, « car les pensées chrétiennes sont plus utiles qu'il n'y paraît au premier abord pour aider et guérir ces malades. »

3. Le rapport de 1837 conclut sur les tensions et les fatigues du pasteur, qui remercie l'Administration pour sa bienveillance et pour « l'indulgence avec laquelle vous avez supporté le travail toujours imparfait de votre imparfait et dévoué chapelain. »

4. L'aumônier de 1848 se réjouit de voir les cultes des dimanches régulièrement suivis par les employés de la maison et les malades qui peuvent y assister.
Beaucoup de fidèles de la ville qui s'intéressent à l'hôpital fréquentent ces cultes. La prédication doit être simple. En cette année 1848, les principaux faits de la vie du Christ et les paraboles ont été au centre des méditations ; le culte doit être court ; il est suivi par un culte célébré en anglais.

5. Des visiteurs bénévoles et une diaconesse ont su se faire aimer des malades, sachant leur parler « et soulager les maux du corps. »

6. Le chapelain visite chaque jour les malades, qu'ils soient protestants ou catholiques, « s'efforçant de ne pas froisser ces derniers et d'entrer dans leurs convictions. » Lorsque la maladie semble mortelle, « il faut offrir au patient la vérité de l'Évangile proclamée dans notre Église nationale. »

Beaucoup d'attention et de recueillement « malgré l'incrédulité et l'indifférence de certains, lors des services qui se célèbrent dans les salles quatre fois par semaine. » Dans les chambrées de femmes, « beaucoup plus de piété et de zèle que chez les hommes. »

7. Dès cette époque, l'abbé visite régulièrement ses ouailles, « et aussi les protestants auxquels il s'adapte. » On lui a pourtant reproché de faire du prosélytisme « en répandant des ouvrages de controversés. »

8. L'aumônier se doit de visiter les infirmes et les vieillards répartis dans le Canton pour les accompagner « sur la fin d'une vie triste et misérable. » On leur offre l'appui de l'Évangile et on les aide à participer aux cultes du dimanche et à la Sainte-Cène.

9. C'est encore le pasteur de l'hôpital qui visite « les femmes vénériennes et les avertit. » Certaines prostituées quittent « leur mauvais train de vie, et d'autres entrent dans le « Refuge pour les filles repenties » fondé par M. Picot sur le modèle du Refuge parisien.

10. Un autre rapport (1841) note que l'Administration « tient toujours et rapidement compte des remarques des chapelains. » Ils sont deux, qui devant le manque de complaisance et d'attention de certaines infirmières, devant l'absence de patience et de bonne grâce de certains malades « s'efforcent de répéter dans le culte qui se fait chaque semaine en nos salles et auquel ils assistent à ce qu'il semble avec plaisir et régularité que de bons contacts sont toujours bénéfiques et stimulants. »

11. L'aumônerie prête aussi des livres aux malades « qui lisent beaucoup. »

12. Le rapport de 1855 fait état d'une notable augmentation des participants au culte dominical et aux services qui se célèbrent deux fois par semaine dans les salles. Ces derniers sont « simples et familiers plus que le dimanche et les malades y viennent volontiers. » D'autre part, « un assez grand nombre de baptêmes et de services funèbres se célèbrent dans notre établissement, ainsi que quelques mariages. » « Tous les jours, écrit le pasteur Appia, je parcours successivement les diverses salles de notre hôpital en vue d'exhorter et de consoler... Je vois particulièrement ceux qui, en danger, désirent les secours de la prière. »

13. Le rapport de 1856 rapporte qu'une épidémie de choléra contraint l'aumônier à multiplier les visites dans la même journée.
Ces échos des rapports pastoraux nous donnent une idée de l'activité des aumôneries au XIXe siècle et jusqu'à la séparation de l'Église et de l'État en 1908.

L'accueil de l'aumônier au temps de la séparation de l'Église et de l'État

Depuis cette époque les aumôniers, n'étant plus fonctionnaires de l'État, ont cependant été accueillis à l'hôpital de façon très large et ouverte. Parfois spécialisés pour ce travail et à plein temps, à d'autres moments retraités et bénévoles, les pasteurs et les prêtres ont poursuivi le ministère de l'Église dans le bâtiment de l'hôpital construit en 1856 dans la région de la Cluse, en remplacement de celui du Bourg-de-Four.

Les années 1970 : développements des collaborations œcuméniques et institutionnelles

C'est au début des années 1970 que, sous l'impulsion du pasteur René Huber, les aumôneries protestantes et catholiques se sont organisées de façon beaucoup plus fonctionnelle, avec des aumôniers spécialisés. Les contacts sont dorénavant pris aussi bien avec le personnel qu'avec les malades, intégrant le travail des aumôniers dans la vie hospitalière.

Ces derniers restent cependant envoyés des Églises et rétribués par elles. Au tournant de l'année 1980, l'aumônerie protestante a joué un rôle important dans la réflexion sur les soins palliatifs et dans leur insertion tant à l'hôpital qu'au Centre de soins continus (CESCO, aujourd'hui hôpital de Bellerive).

Dernière mise à jour : 22/08/2023