« Je regarde ce qui est encore là »

Le déclin d’un compagnon atteint d’Alzheimer est une véritable épreuve. Clélia, 62 ans, lutte avec ses armes : l’amour et un grand appétit de vivre.

Témoignage - Alzheimer« Il ne parle presque plus maintenant. Pour le bouger, je me mets devant lui et le tire d’une pièce à l’autre. Mais il est heureux d’être avec moi à la maison. Parfois, il dit ‹chérie, je
t’aime› et tend ses bras. J’ai encore besoin de lui. » Clélia, 62 ans, a vécu 25 ans de bonheur, dit-elle, avec Jean-Marcel, 78 ans. En février 2011, ce dernier peine à se remettre
d’un problème de santé. Puis, le diagnostic tombe comme un couperet : Alzheimer.

« C’était horrible. Je suis passée par la révolte, la colère et même la dépression. Avec la dégradation de son état, la charge physique et l’épuisement sont devenus presque insupportables. A un certain stade de la maladie, il se levait plusieurs fois par nuit, enlevait ses protections et urinait par terre. Je panossais du soir au matin. Je ne dormais plus », se souvient cette ancienne assistante de direction à la télévision suisse romande. Avant d’en arriver là, la maladie s’était manifestée par des signes discrets. Trop, même. En 2006, les premières alertes n’ont débouché sur aucun diagnostic précis. « Il était un peu ralenti, cherchait ses mots. On ne s’inquiétait pas vraiment. Vers 2009, c’est devenu plus sérieux. Des gestes simples de la vie quotidienne, comme s’habiller le matin, devenaient difficiles. Alors, nous avons consulté. Notre médecin privé lui a prescrit des médicaments pour les
facultés cognitives. Mais personne n’a parlé d’Alzheimer ».

Premier bilan
Le premier vrai bilan neurologique est conduit en 2011 à l’Hôpital de gériatrie des Trois-Chêne. Cette fois, le diagnostic est clairement posé. C’est la maladie d’Alzheimer. La difficile
nouvelle surmontée, Clélia fait face. Elle prend conscience aussi du fait que l’unité de gériatrie communautaire dispose d’un important arsenal thérapeutique. Pour son compagnon, des soins à domicile appropriés. Pour elle, un soutien psychologique à la consultation mémoire.

« C’est une aide énorme. On apprend à réagir de manière appropriée. A lâcher prise face à l’agressivité. Aujourd’hui, je sais que lorsqu’il se met en colère, je dois quitter la pièce ou sortir. Grâce à la consultation mémoire, j’ai réussi à accepter son état. Il ne sert à rien de le raisonner. Il ne comprend plus. Mais il faut garder à l’esprit que les malades Alzheimer conservent leur humanité. Ils ont besoin de compréhension et d’amour », raconte Clélia.

Peinture et théâtre
L’amour, c’est la source où elle puise la force de tenir le coup. « Nous avons eu une relation vraiment merveilleuse, sans nuage, comme il en existe aussi hors mariage », glisse-t-elle avec espièglerie. Et puis, comme elle peut laisser son compagnon seul pendant quelques heures, elle ne renonce pas à vivre. Peinture, cours de théâtre et d’italien : Clélia s’adonne sans culpabilité aux passions qu’elle s’est promis d’assouvir à l’heure de la retraite.

Et ensuite ? « La prochaine étape pour lui c’est l’EMS. Je le sais. Mais je ne veux pas y penser. Pas encore. Vivre avec une personne souffrant d’Alzheimer, c’est faire un deuil par petits bouts, au fur et à mesure que l’être aimé s’en va. Mais je ne m’appesantis pas sur ce qui est parti. Je regarde ce qui est encore là », souffle la compagne de Jean-Marcel.

 

Dernière mise à jour : 16/07/2021